Le développement durable n’est plus seulement une thématique à laquelle porter un intérêt purement intellectuel. Il est devenu une préoccupation première pour tous ceux qui se soucient du bien-être des futures générations sur Terre, voire de leur survie ! De ce fait, la durabilité est devenue une urgence absolue, même si l’on peine encore à s’en convaincre. Cette thématique, omniprésente en raison de son importance, de ses dimensions et de ses implications, plus aucun industriel ne peut l’ignorer, à fortiori dans l’industrie du luxe.
Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne laissent planer aucun doute sur ce point : à l’horloge planétaire, il est minuit moins cinq. Dans ce contexte, la Fondation de la Haute Horlogerie (FHH) s’est mobilisée sur ces questions, notamment en faisant du développement durable son thème de l’année 2022/23 et en consacrant son Watch Forum 2022 à cette thématique complexe.
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Journée d’échanges et de partage destinée aux professionnels de l’horlogerie, ce rendez-vous annuel avait comme objectif de sensibiliser l’industrie aux problématiques du développement durable et notamment à la question des océans, de plus en plus intoxiqués par la société de consommation. Dans le prolongement de cette journée, la plateforme Internet de la Fondation s’est ainsi faite l’écho des débats tenus sur les différents thèmes abordés avec l’intention de développer les questions liées à la mer, biotope vital de la planète qui se meurt à petit feu et dont les ressources sont en train de s’épuiser. Avec cette question sans équivoque à la clé : quel serait le climat d’une Terre sans océans ? Certaines planètes du système solaire assez semblables à la Terre apportent un élément de réponse. Mars, par exemple, sœur presque jumelle de la Terre mais sans réseau hydrographique présente des contrastes thermiques parfaitement incompatibles avec la vie sur son sol.
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Urgence
Les océans, la « force tranquille » de la planète, celle sur qui on pensait pouvoir compter ad infinitum, en est devenu le grand malade à force d’être négligé ad nauseam. Maillon indispensable de la vie sur terre, avec une occupation de 70 % de sa surface, les océans remplissent un rôle inestimable avec ses millions d’espèces vivantes, principales ressources alimentaires pour la moitié de ses habitants. À cette biodiversité marine vient encore s’ajouter le rôle essentiel des écosystèmes océaniques aux équilibres naturels, étant donné que les océans produisent 60 % de l’oxygène de l’atmosphère et absorbent la majorité du CO₂ produit par l’homme. Avec un tel bilan, on aurait pu croire qu’il fallait prêter la plus grande attention à cet or bleu afin d’en préserver l’intégrité. Il n’en est rien. À coups de surpêche, de pollution et d’émissions de gaz à effet de serre, l’homme sape progressivement la santé des océans, véritable cataclysme écologique. Un constat d’autant plus amer que les premières discussions sur l’état des Océans remontent aux années 1960.
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Dans ce contexte, la Conférence de Lisbonne, tenue à l’été 2022, tirait la sonnette d’alarme. « Nous avons pris l’océan pour acquis, exposait António Guterres, secrétaire général des Nations unies en ouverture de conférence. Or nous sommes actuellement confrontés à ce que j’appellerais un état d’urgence des océans. L’océan n’est pas un dépotoir. Il n’est pas une source de pillage infinie. C’est un système fragile dont nous dépendons tous. » Et pour tenter de le préserver, quatre champs d’actions ont été retenus comme prioritaires, à commencer par l’investissement dans des océans durables avec un nouveau modèle de gestion à la clé. La lutte contre le réchauffement climatique appuyée sur la science est également incontournable si l’on veut qu’un jour, les océans se régénèrent.
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Vigilance
Comme le note le WWF, l’océan a toutefois perdu son statut de parent pauvre du développement durable, notamment en raison de l’attention qu’on lui accorde désormais dans l’espace public. « Pendant trop longtemps, l’océan est resté largement absent des discussions mondiales sur le changement climatique, explique, Alice Eymard, Ocean Focal Point, WWF (Suisse). Cette situation est toutefois en train de changer, notamment depuis le rapport spécial du GIEC L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique, appuyé par d’autres recherches démontrant clairement l’urgence de s’attaquer de manière conjointe aux crises touchant le climat et l’océan. »
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Ces dernières années, les décideurs politiques et le public se sont rendu compte qu’il y a péril en la demeure, relève le WWF. En soi, c’est déjà un progrès notable, d’autant que cette prise de conscience s’accompagne de perspectives encourageantes. S’il est géré efficacement, l’océan peut contribuer grandement à maintenir l’équilibre climatique, à nourrir une population croissante, à soutenir le développement économique et à protéger les habitats et la faune sauvage. C’est exactement ce à quoi s’emploient les Nations unies qui ont instauré une Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030). Adresser le problème de la pollution plastique et sonore est inévitable ; comprendre les mécanismes de capture de carbone et de production d’énergie par les océans est vital ; mieux connaître sa biodiversité pour mieux la préserver et partager les informations le plus largement possible est essentiel.
Ces axes, l’innovation technologique peut y contribuer. Raison pour laquelle les initiatives commencent à se multiplier avec des solutions basées sur la science ou la nature elle-même. Dans ce registre, l’équation est relativement simple : plus il y a d’espèces en vie et plus la biodiversité des océans est importante, meilleures seront les chances pour les humains de rester en vie. La biodiversité est finalement le signe d’une interaction salutaire. À mesure que certaines espèces disparaissent, leur habitat se dégrade, mettant en danger d’autres espèces. Enlevez un morceau de l’édifice et tout s’écroule. Cette lente dégradation, nombre de biologistes océaniques en ont fait leur cheval de bataille avec pour but de créer des zones marines protégées, conformément à l’accord de Kunming-Montréal conclu fin 2022 visant à protéger 30% des aires terrestres, des eaux intérieurs et des zones côtière et marines à l’horizon 2030.
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Finance
C’est précisément dans cette optique qu’il faut placer l’accord conclus en mars 2023 entre Etats membres de l’ONU sur la protection de la biodiversité en haute mer, premier traité international du genre obtenu à l’arrachée après quelque 20 ans de négociation. « Cette action est une victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices auxquelles est confrontée la santé des océans, maintenant et pour les générations à venir », déclarait le Secrétaire général de l’ONU António Guterres.
Car depuis quelques années, l’extraction en haute mer est devenue un sujet brûlant. Riches en minerais mais aussi en diamants, les fonds marins suscitent en effet toutes les convoitises, sans que l’on sache véritablement quelles seront les conséquences de leur exploitation sur les écosystèmes marins. Celle des diamants a déjà commencé, celle des minerais sera-t-elle ralentie, voire empêchée par l’accord obtenu à l’ONU ? Les profits à tirer des océans doivent aujourd’hui être mis en rapport avec la valorisation des « actifs sous-jacents » !
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Et si la nature avait un prix, quel serait-il ? Les titres cotés en Bourse ont bien une valeur de marché, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les écosystèmes dont la survie va dicter la nôtre ? Cette question consistant à monétiser le bien commun en fonction du service qu’il rend à l’humanité est fondamentale dans le contexte actuel du changement climatique et des moyens financiers mis à disposition pour le combattre. Une question qui concerne bien évidemment les océans, en raison du rôle vital qu’ils jouent dans l’équilibre écologique de la planète mais également parce que les océans, en dehors des zones économiques exclusives, n’appartiennent à personne. Ou plutôt à tout le monde. Le rôle essentiel de l’économie bleue est notamment de prendre le relais en matière de financement, en sachant que l’investissement dans la biodiversité, encore embryonnaire, est tout simplement indispensable. Et que la science a son mot à dire dans l’équation avec un seul mot d’ordre : pour sauver l’homme, il faut sauver la mer !