Sur le papier, l’urgence climatique ne convainc pas. Sur le papier, l’urgence climatique ne convainc pas. Sur le papier, l’urgence climatique ne convainc pas. Sur le papier, l’urgence climatique ne convainc pas. Sur le papier, l’urgence climatique ne convainc pas
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10 Mars 2022
Sur le papier, l’urgence climatique ne convainc pas
Forum, Durabilité
Les rapports du GIEC se succèdent avec un degré d’urgence allant crescendo. Et pourtant, dans la pratique, le triste sort auquel semblent voués la planète et ses habitants ne paraît guère susciter mieux que des trains de mesures poussifs. L’exemple de la Suisse.
Cette fois, ils ont mis les formes, pour ne pas dire le paquet. Pour le deuxième volet de la trilogie constituant le 6e rapport d’évaluation du Conseil mondial du climat (GIEC), les 270 principaux auteurs de cette analyse ont évalué plus de 34 000 publications et traité quelque 62 000 commentaires afin d’examiner les conséquences des changements climatiques, la vulnérabilité de l’être humain et de la nature et les possibilités de s’adapter. Le tout sur 4 000 pages ! Mais avec un message on ne peut plus clair : « Les preuves scientifiques accumulées ne laissent pas de doute, les changements climatiques menacent le bien-être de l’homme et la santé de la planète. Si l’on tarde à lancer une action mondiale préventive, la courte fenêtre d’opportunité pour assurer à tous un avenir durable et digne d’être vécu se refermera rapidement. »
« Abdication criminelle »
Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de vouloir démontrer les atteintes du changement climatique en cours. Le réchauffement actuel d’environ + 1,1 °C en moyenne depuis l’ère préindustrielle a déjà contribué au déclin des espèces, à l’augmentation des maladies transmissibles, à une croissance du taux de mortalité dû à la chaleur et à la sécheresse, à une perte de récoltes, à l’augmentation de phénomènes météorologiques extrêmes, à la hausse du niveau de la mer dans des zones côtières à risque… Autant de « calamités » qui vont s’aggraver si le réchauffement continue de grimper, avec des « impacts irréversibles » au cas où il devrait dépasser le fameux seuil des + 1,5 °C. Si les auteurs du rapport prennent la peine de noter les efforts pour s’adapter à l’évolution du climat, ils n’en relèvent pas moins que ces initiatives sont loin de suivre le rythme des changements climatiques : « La capacité d’adaptation des systèmes humains et naturels atteindra bientôt ses limites, dit le rapport, lesquelles se rétrécissent de plus en plus avec le réchauffement ».
Les coupables sont les plus grands pollueurs du monde, qui mettent le feu à la seule maison que nous ayons.
António Guterres, secrétaire général de l’ONU
Dans ce contexte, le discours du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à la présentation des conclusions du GIEC est sans appel pour dénoncer l’« abdication criminelle » des dirigeants mondiaux : « Ce rapport est un recueil de la souffrance humaine et une accusation accablante envers l’échec des dirigeants dans la lutte contre les changements climatiques. Les faits sont là, indéniables. Les coupables sont les plus grands pollueurs du monde, qui mettent le feu à la seule maison que nous ayons. Le rapport d’aujourd’hui met en évidence deux vérités fondamentales. La première est que le charbon et les autres combustibles fossiles étouffent l’humanité. » L’avertissement est on ne peut plus clair et, pourtant, sur le terrain, l’urgence peine à se manifester. En Suisse notamment.
La Suisse est particulièrement touchée par les changements climatiques, puisque le pays se réchauffe deux fois plus que la moyenne mondiale.
« Une inconséquence des parlementaires »
Hasard de calendrier, au moment même où ce nouveau rapport du GIEC était au centre des discussions sur le climat, le Parlement suisse devait se prononcer sur l’initiative populaire pour les glaciers qui vise à mettre la Suisse sur la voie d’une politique climatique et à ancrer les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat dans la constitution fédérale. Pour mémoire, on rappellera que le peuple suisse a eu à se prononcer en juin 2021 sur une révision de la loi sur le CO2. Soutenu par le Conseil fédéral et le Parlement, ce nouveau texte législatif avait comme objectif ambitieux de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Là également le constat est des plus clairs : « En sa qualité de pays alpin, la Suisse est particulièrement touchée par les changements climatiques, puisque le pays se réchauffe deux fois plus que la moyenne mondiale avec une hausse de quelque 2 °C depuis 1864 », expliquait l’argumentaire. Las, le peuple suisse, qui aurait pour une fois pu saisir l’occasion de se distinguer par des mesures hardies, a dit « non ». Quelques semaines plus tard, en août 2021, tombait le premier volet « choc » de ce 6e rapport du GIEC laissant clairement entendre que le réchauffement de + 1,5 °C de la planète pourrait être atteint en 2030 déjà. La COP26 de Glasgow, qui s’est tenue trois mois plus tard, s’en est-elle alarmée ? À part le ballet des jets privés avec les dirigeants du monde à leur bord, RAS !
En Suisse, c’est donc l’initiative pour les glaciers qui a focalisé les espoirs d’un sursaut de conscience environnementale. Son exigence centrale : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, l’objectif étant de s’assurer que la politique climatique du pays s’oriente effectivement vers la fin de l’ère des énergies fossiles et la transition énergétique le plus tôt possible. En d’autres termes, plus aucun carburant ou combustible fossile – huile, gaz, essence ou diesel – n’aurait droit de cité en Suisse à partir de 2050, et les fameuses compensations prévues pour solder les éventuelles émissions restantes devraient être faites dans le pays. Las, encore une fois, le Conseil national – la « chambre basse » du Parlement helvétique – a dit « non » au profit du contre-projet du Conseil fédéral, nettement moins ambitieux. « Le rejet de cette initiative quelques jours après la publication du rapport du GIEC est le signe d’une véritable inconséquence des parlementaires face aux défis climatiques », exposait dans la foulée Georg Klingler, expert climat et énergie chez Greenpeace Suisse. Une inconséquence que tous les rapports du GIEC n’ont pas encore réussi à gommer, en Suisse comme ailleurs. Prochain épisode en avril 2022, avec la publication du troisième et dernier volet du rapport du GIEC sur les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Encore un pavé dans la mare destiné à couler sans faire de vagues ?