Chronographe

Complications

Thématique Complication

Sur le plan technique, le mécanisme de chronographe peut être soit intégré au mouvement de la montre, soit ajouté sous la forme d’un module additionnel.

Une grande avancée est accomplie en 1816, lorsque le Parisien Louis Moinet met au point ce qu’il nomme le « compteur de tierces ».

Definition

Au sens moderne du terme, un chronographe est une montre qui, en plus de donner l’heure, permet de mesurer des temps courts à l’aide d’au moins une aiguille supplémentaire. Celle-ci peut être démarrée, stoppée et remise à zéro sans perturber la marche du mouvement, grâce à un système de commande, la plupart du temps des boutons-poussoirs. Si le chronographe n’est pas associé à une montre, alors l’instrument est appelé « compteur ».

Description technique

Le chronographe est un mécanisme servant à la mesure d’intervalles de temps. Venant s’ajouter aux fonctions horaires traditionnelles d’une montre, il se manie à l’aide d’un ou plusieurs boutons-poussoirs, la plupart du temps situés sur le flanc du boîtier. Les pressions successives servent ainsi à enclencher, arrêter et remettre les aiguilles chronométriques à zéro.

L’affichage a donné lieu à d’innombrables interprétations, obéissant avant tout à un impératif de place à disposition sur le cadran. Ainsi, logés dans des coffrets de bois, les premiers compteurs – qui ne permettaient que la mesure de temps courts – offraient assez de surface pour y disposer un cadran par fonction mesurée : secondes, minutes, heures, mais aussi fractions de seconde ou encore aiguille rattrapante. Avec l’apparition des chronographes de poche, puis des chronographes-bracelets, les horlogers ont été confrontés au défi de la lisibilité dans un espace restreint. Il est rare, aujourd’hui, de voir plus de trois compteurs supplémentaires sur le cadran d’une montre. Il arrive même que deux indications, par exemple les minutes et les heures, apparaissent dans la même portion, sur un axe commun. Ce d’autant plus que la majorité des chronographes disposent d’une petite aiguille des secondes appelée « seconde permanente » ou « seconde continue ». Directement reliée au train de rouage de la montre, celle-ci atteste de la bonne marche du mouvement.

La grande aiguille des secondes de la fonction chronographe est ainsi souvent positionnée, pour ces raisons de confort de lecture, au centre du cadran. Une fois le mécanisme enclenché, elle avance au rythme du couple balancier-spiral, soit par exemple 6 sauts par seconde pour une fréquence de 3 Hz, ou 10 pour 5 Hz. On doit à ce mouvement saccadé son sobriquet de trotteuse. L’aiguille totalisant les minutes mesurées, quant à elle, peut se déplacer de manière « traînante », « demi-instantanée » ou « instantanée ». Dans le premier cas, elle avance lentement et régulièrement pour passer d’une division à l’autre ; dans le deuxième, elle ne se met en mouvement qu’au moment où la trotteuse arrive sur la 58e seconde environ, entraînée par un doigt mécanique ; dans le troisième enfin, l’aiguille saute rapidement à la graduation suivante au passage de la trotteuse à la 60e seconde. Pour finir, le compteur d’heures mesurées, s’il existe, évolue lentement pour effectuer un tour en 12, voire 24 heures.

 

Patek Philippe - chronographe - monopoussoir

Patek Philippe - chronographe - monopoussoir - 1/10e de secondes

Avec le temps, le chronographe s’est adapté aux différents usages auxquels il se prête. C’est ainsi qu’ont été développés, pour le sport, la science ou l’aviation, la seconde foudroyante, le retour en vol (flyback) et la seconde rattrapante. Des chronographes de régate, disposant d’un compte à rebours, font également partie des variantes. Certains mécanismes sont enfin associés à des échelles de mesure : tachymètre, télémètre, pulsomètre, asthmomètre ou règle à calcul. Toutes ces versions font l’objet d’une description séparée.

Sur le plan technique, le mécanisme de chronographe peut être soit intégré au mouvement de la montre, soit ajouté au-dessus de ce dernier sous la forme d’un module additionnel, appelé aussi « planche ». Plus noble, la première solution engendre des coûts élevés de développement, tout en amoindrissant la flexibilité dans la production ; plus économique, la deuxième permet de travailler avec un mouvement de base unique, auquel on adaptera des planches à complications de différentes natures. Mais si la construction architecturale peut varier, le principe de fonctionnement reste le même : un système de commande (poussoirs, leviers et roue de commande) gère un embrayage, lequel connecte ou déconnecte le chronographe au train de rouage du mouvement. L’embrayage peut être soit horizontal – appelé aussi « latéral » –, soit vertical. Quant au système de commande, qui donne ses ordres à différents leviers, il est généralement de deux natures : à roue à colonnes (technique traditionnelle) ou à came (système plus rationnel). La remise à zéro se fait finalement par l’entremise de « marteaux » venant appuyer sur des « cœurs de remise à zéro » fixés sur les axes des aiguilles du chronographe.

Enfin, il ne faut pas confondre « chronographe » et « chronomètre ». Ce dernier désigne une montre dont la précision du mouvement est certifiée selon des normes officielles. Un chronographe peut ainsi être certifié chronomètre, mais tous les chronomètres ne sont pas des chronographes.

Historique

Le chronographe est l’une des inventions les plus récentes de l’horlogerie. La première version moderne est née vers 1861, des mains d’Henri-Ferréol Piguet. Horloger à la Vallée de Joux, il développe cette année-là, pour le compte de la maison Nicole & Capt, une montre de poche dotée d’une aiguille supplémentaire des secondes, laquelle peut être démarrée, arrêtée et remise à zéro à l’aide d’un poussoir intégré à la couronne.

Bien entendu, cette invention fut précédée d’une série de développements techniques, à commencer par celui de la seconde morte indépendante. Lorsque l’aiguille des secondes est introduite sur les montres de poche dans la seconde moitié du xviiie siècle, les efforts des horlogers portent alors sur un dispositif permettant de l’immobiliser, afin d’effectuer des mesures. La solution consiste d’abord à arrêter le mouvement dans son ensemble, comme en témoigne la « montre à seconde morte » de Jean Romilly (1754). En 1776, le Genevois Jean-Moïse Pouzait, grâce à un deuxième train de rouage, parvient le premier à enclencher et déclencher à volonté la trotteuse, sans perturber la marche du mouvement. Mais ce type de montre « à seconde morte indépendante » oblige encore à noter le début de la mesure et à calculer le temps mesuré.

Une grande avancée est accomplie en 1816, lorsque le Parisien Louis Moinet met au point ce qu’il nomme le « compteur de tierces ». Très en avance sur son temps, ce compteur de poche – qui, par définition, ne donne pas l’heure – affiche le 1/60 de seconde par une aiguille centrale, les secondes et les minutes sur deux cadrans séparés ainsi que les heures sur un cadran 24 heures. Battant au rythme – extraordinaire pour l’époque – de 216 000 alt/h (30 Hz), il est également doté de deux poussoirs pour la mise en marche, l’arrêt et la remise à zéro du mécanisme. Décrit dans le Traité d’horlogerie de Louis Moinet en 1848, mais disparu jusqu’en 2013, ce compteur fut imaginé pour l’observation des astres.

 

Parmigiani Tonda

Parmigiani Tonda

En 1821, sans connaître les travaux de son compatriote, Nicolas Mathieu Rieussec, horloger du roi, dévoile à l’occasion d’un concours hippique un appareil capable de mesurer le temps de parcours des chevaux. Précis au 1/5 de seconde, il dépose à la demande une goutte d’encre en début et en fin de mesure, sur un cadran tournant en émail, logé dans un boîtier en bois. Une solution développée à défaut d’un dispositif de remise à zéro, et qui est à l’origine du terme « chronographe » (du grec « écrire le temps »). Aujourd’hui, le terme « chronoscope » (du grec « observer le temps ») serait mieux approprié, le dépôt d’une goutte d’encre ayant été abandonné. Nicolas Mathieu Rieussec fut considéré comme le père du chronographe jusqu’à la « découverte » du compteur de tierces de Louis Moinet en 2013.

Les progrès ne vont dès lors jamais cesser. Ceux-ci vont se déployer dans deux directions : la miniaturisation et la chronométrie. En 1822 déjà, Frédérick Louis Fatton, ancien élève de Breguet, transforme l’invention de Rieussec en compteur de poche. Le premier chronographe-bracelet quant à lui, dont l’existence est attestée par un dépôt de modèle suisse en 1909, est l’œuvre d’Armand Ducommun-Muller, rapidement suivi par Heuer. Très engagée dans le sport, cette manufacture va d’ailleurs collectionner les brevets dans le domaine de la haute fréquence. En 1916, son compteur Mikrograph indique le 1/100 de seconde ; et quand bien même le chronométrage électrique est définitivement officialisé en 1930, la course à la précision va se poursuivre jusqu’à nos jours, avec la sortie en 2011 du concept TAG Heuer Mikrotimer Flying 1000 (500 Hz) et, l’année suivante, du concept Mikrogirder, dont le balancier bat à 7 200 000 alt/h, soit 1 000 Hz, indiquant ainsi de façon mécanique le 1/2 000 de seconde.

À noter encore, le lancement en 1969 des premiers mouvements chronographes automatiques : le Chronomatic, fabriqué par Dépraz-Büren pour Breitling et Heuer-Leonidas, ainsi que l’El Primero de Zenith, premier chronographe automatique battant à 36 000 alt/h.