Phases de Lune

Complications

Thématique Complication

La difficulté mécanique des phases de lune réside dans l’intervalle insolite qui sépare deux pleines Lunes. Au XXe siècle, cette complication devient poétique.

Définition

L’indication des phases de la Lune est une complication servant à visualiser les principaux états du satellite de la Terre (premier quartier, pleine Lune, dernier quartier, nouvelle Lune). Ces stades peuvent être représentés soit par un disque tournant sur lequel est reproduite la Lune, soit par une aiguille pointant des symboles, soit encore par une Lune tridimensionnelle tournant sur elle-même. Les phases de la Lune ne doivent pas être confondues avec l’âge de la Lune, qui est l’indication, en jours, du temps écoulé depuis la dernière nouvelle Lune.

Description technique

L’indication des phases de la Lune est un dispositif qui permet de visualiser sur le cadran de la montre les différentes apparences que revêt le satellite de la Terre tout au long d’une lunaison : elle peut croître, être pleine, décroître ou être entièrement cachée par l’ombre de la Terre. On parle alors de nouvelle Lune.

Ces différentes phases sont traditionnellement représentées par un disque mobile sur lequel figurent deux représentations diamétralement opposées de la Lune et passant derrière un guichet. Celui-ci est découpé de manière à simuler visuellement les épisodes croissants et décroissants de la Lune. Lorsque la première figure disparaît, la seconde peut immédiatement entrer en scène. Les phases lunaires peuvent également être indiquées au moyen d’une aiguille pointant différents symboles, ou encore par une sphère tridimensionnelle teintée pour moitié en clair, pour l’autre en foncé et tournant sur elle-même. Cette complication accompagne souvent d’autres indications astronomiques, telles le calendrier ou l’équation du temps.

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La difficulté mécanique réside dans l’intervalle insolite qui sépare deux pleines Lunes. Appelé « mois synodique » ou « lunaison », cet intervalle est de 29 jours, 12 heures, 44 minutes, 2,8 secondes – soit 29,5305881 jours. Or, les mouvements de montre sont conçus pour assurer des rotations de 60 minutes, 12 heures ou 24 heures. Impossible, avec de tels dispositifs, d’obtenir une période d’un mois synodique, sauf à fabriquer une roue gigantesque de 295 306 dents, laquelle ne pourrait être intégrée. C’est la raison pour laquelle l’affichage conventionnel des phases lunaires est basé sur une approximation – plus ou moins précise selon le mécanisme mis en œuvre – et nécessite une correction périodique manuelle. La solution la plus répandue consiste à arrondir la lunaison à 29,5 jours. L’indicateur des phases de la Lune est ainsi entraîné par une roue de 59 dents, correspondant à deux lunaisons (2 x 29,5). Un doigt pousse la roue d’un cran toutes les 24 heures. Ce système aboutit à un décalage d’un jour en 2 ans, 7 mois et environ 20 jours.
Une autre solution, plus complexe, consiste à utiliser une roue comportant 135 dents. Parfois dénommé « Lune astronomique », ce système ramène la précision de la lunaison à 29 jours, 12 heures, 45 minutes. L’écart entre le mécanisme et le véritable cycle lunaire est alors d’un jour en 122 ans et 46 jours.

Certaines grandes maisons ont cependant décidé de repousser plus loin encore les limites de la précision. Faisant usage de roues élargies et dotées d’un plus grand nombre de dents, le modèle IWC Schaffhausen Portugaise Calendrier Perpétuel porte l’écart d’un jour à 577,5 ans. Quelque temps après, A. Lange & Söhne bat ce record avec sa Richard Lange Quantième Perpétuel « Terraluna ». Grâce à un jeu de trois disques rotatifs servant un affichage orbital des phases de la Lune, la marque parvient à 1 058 ans. Mais un horloger suisse, Andreas Strehler, met tout le monde d’accord en présentant son modèle Sauterelle à Lune Perpétuelle. Au moyen de quatre mobiles combinant dentures extérieures et dentures intérieures, le créateur indépendant est parvenu à réaliser une indication des phases de la Lune dont le décalage est d’un jour tous les 2,045 millions d’années. Le principe repose sur un entraînement constant du mécanisme par le train de minuterie, au contraire des dispositifs conventionnels qui ne sont actionnés qu’une fois par jour. Son invention a été inscrite au Guinness Book des records.

Historique

L’observation des astres est à la base de tout calendrier. Avec l’apparition de l’écriture dès 4200 av. J.-C., les civilisations se basent sur les mouvements du Soleil et de la Lune pour organiser vie sociale et pratiques religieuses. Les Mésopotamiens seront les premiers à imposer un calendrier construit sur l’alternance des jours et des nuits, le cycle des saisons et les phases de la Lune.

C’est ainsi que, dès les balbutiements de la mesure du temps, on va chercher à reproduire les différentes apparences du satellite de la Terre. Le plus ancien mécanisme connu est la Machine d’Anticythère. Découverte dans un état de corrosion avancé par un pêcheur au large de la Crète en 1901, elle est datée entre 150 et 100 avant J.-C. En bois et en bronze, elle est constituée de 32 roues dentées qui permettaient d’afficher le calendrier égyptien, le zodiaque grec, le cosmos géocentrique à cinq planètes des Grecs anciens, un parapegma (ancêtre de l’almanach moderne), le calendrier panhellénique du cycle des Olympiades ainsi que quatre calendriers luni-solaires qui servaient à prédire les éclipses solaires et lunaires.

La modernité de cette machine mécanique reste un mystère pour les scientifiques. Il faut en effet attendre le XIe siècle et le savant Al-Bîrunî, inventeur de l’astrolabe mécanique, pour voir apparaître un système à rouage destiné à figurer les phases de la Lune, fondement du calendrier islamique. Avant cette invention, c’est sur des instruments à eau que comptaient les astronomes, comme celui que l’arabo-musulman Al-Zarqâlî avait construit pour sa ville natale de Tolède, au XIe siècle également.

Progressivement et grâce à la traduction de textes arabes en latin, ces savoirs, notamment en astronomie, vont passer en Europe. Portée par un renouveau économique, la civilisation médiévale occidentale s’enthousiasme alors pour le progrès et la mécanisation. À la fin du XIIIe siècle, l’horloge à rouage, poids moteurs et régulateur fait son apparition.

 

Arnold & Son

Arnold & Son

Il ne faut pas attendre longtemps avant de voir les indications des clepsydres astrologiques reprises sur des horloges monumentales. La plus célèbre est peut-être celle réalisée par Richard de Wallingford, abbé de Saint-Albans, pour son abbaye située au nord de Londres. Commencée en 1327, elle finira par indiquer la position des étoiles fixes, du Soleil et de la Lune complétée de ses phases, âge et ligne des nœuds des éclipses, ainsi que l’heure des marées au London Bridge.

Avec les progrès de l’horlogerie, l’indication des phases de la Lune migre dans l’horloge murale à poids, l’horloge de table à ressort puis, à la Renaissance, dans la montre de poche. Trop imprécise pour distiller les minutes, cette dernière affiche alors volontiers l’heure, la date, les jours, les mois et souvent les phases de la Lune, son âge et les signes du zodiaque. À la mode tant en Europe qu’au Proche-Orient jusque vers la fin du XVIIe siècle, cet affichage s’adresse surtout aux amateurs d’astronomie et d’astrologie.

Au XXe siècle, cette complication devient poétique. Les premières montres-bracelets équipées d’une indication des phases lunaires apparaissent dans les années 1920. La plupart du temps accompagnant un calendrier complet, elle devient la spécialité de marques comme Patek Philippe, Record Watch ou encore Angelus. Durant de longues années, la fonction n’évolue que très peu. Il faut attendre 1980 et Kurt Klaus pour qu’elle intéresse à nouveau les horlogers. Cette année-là, l’horloger en chef d’IWC Schaffhausen est le premier à réaliser une phase de Lune astronomique pour une montre-bracelet. Des années plus tard, en 2009, Ulysse Nardin lance la Moonstruck. Conçu par Ludwig Oechslin, ce modèle reproduit la rotation de la Lune et le mouvement apparent du Soleil autour de la Terre. Les phases de la Lune sont représentées grâce à deux disques superposés, tous deux en rotation lente.

La même année, De Bethune est la première maison à proposer une Lune sphérique. Le modèle Digital marque les esprits et inspirera beaucoup d’autres créateurs. Comme le Russe Konstantin Chaykin, membre de l’AHCI, qui développe en 2011 pour sa Lunokhod un cache noir venant progressivement recouvrir l’astre en trois dimensions. Enfin, le dernier développement marquant concerne la Sauterelle à Lune perpétuelle d’Andreas Strehler, en 2014.