- La troisième industrie suisse d’exportation avec 24,8 milliards de francs de produits exportés (2022).
- Un employeur important au niveau national avec des effectifs de 60'800 personnes (2022).
- Le premier producteur mondial en termes de valeur devant Hong Kong et la Chine.
- Une industrie qui exporte 95% de sa production répartie entre l’Asie (49%), l’Europe (30%) et les .
Panorama de l’horlogerie suisse. Panorama de l’horlogerie suisse. Panorama de l’horlogerie suisse. Panorama de l’horlogerie suisse. Panorama de l’horlogerie suisse
Panorama de l’horlogerie suisse. Panorama de l’horlogerie suisse. Panorama de l’horlogerie suisse. Panorama de l’horlogerie suisse
Panorama de l’horlogerie suisse
de Christophe Roulet
L’horlogerie suisse, c’est :
Si, par le plus grand des hasards, quelqu’un vous demande l’heure – situation certes de plus en plus incongrue dans un monde numérique – aurez-vous une montre suisse à disposition pour répondre à la question ? Si c’est le cas et que vous êtes à l’étranger, probablement que votre interlocuteur jettera un petit regard admiratif sur votre poignet. Si vous être en Suisse, le regard se fera même plus insistant afin de lire la marque sur le cadran. A la base toutefois, le même produit, tellement associé à l’image du pays, qu’il en deviendrait presque un sujet de moquerie. Inutile d’insister lourdement, mais inutile de le cacher non plus : pour peu que l’on ait un intérêt pour l’univers horloger, tout le monde aime les montres suisses. Et pour une simple raison : c’est bel et bien un « super-produit », sans guère d’équivalent sur le marché. Tel n’a toutefois pas toujours été le cas.
Un zeste d’histoire
Il fut un temps, au 17e siècle notamment, où tout horloger helvétique en quête de renommée quittait sa terre natale pour se précipiter à Paris, non sans avoir considéré Londres, Dresden ou Saint Pétersbourg. C’est dans l’entourage des cours royales, là où les « grands » de ce monde rêvaient de dominer le temps, que les horlogers trouvaient les meilleurs soutiens. Sans vouloir refaire l’histoire, la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685, synonyme de restriction des pratiques religieuses en France, a assurément joué un rôle important dans le développement de l’horlogerie en Suisse. Avec l’arrivée de quelque 20'000 protestants sur le territoire helvétique, de nombreux artisans horlogers de grand talent se sont installés à Genève et le long de l’Arc jurassien. Un coup de pouce bienvenu à une activité jusque-là secondaire, couverte par des paysans durant la saison morte.
Avec un terreau fertile en main d’œuvre qualifiée, facilement corvéable, avec également un sens pratique développé, allié à une division du travail intelligente, l’horlogerie suisse a très rapidement jeté les bases d’une activité destinée à se développer et à partir à la conquête du monde. Avec succès ! La concurrence, française, anglaise, allemande et plus tard américaine n’a certainement pas capitulé rapidement, sans compter les conséquences des grands conflits armés, mais force est de constater que depuis la deuxième moitié du 20e siècle, l’horlogerie suisse règne en maître à l’international. Une hégémonie, un temps remise en question par l’offensive japonaise des montres électroniques dans les années 1970, mais qui reste parfaitement d’actualité dans l’univers de la montre mécanique. Depuis le tourant du troisième millénaire, on observe bien un regain d’activité en Allemagne, notamment à Glashütte, et en Angleterre, mais il s’agit là de quelques manufactures, pour certaines déjà rachetées par des compagnies suisses. Quant aux créateurs indépendants, ils essaiment un peu partout dans le monde, de la Hollande au Japon, des Etats-Unis à la Russie, mais il s’agit là d’une production de niche, généralement destinée aux collectionneurs.
L’horlogerie suisse championne du monde
Les statistiques horlogères internationales ne laissent planer aucun doute sur la répartition des forces. Avec 24,4 milliards de dollars en 2021, les exportations suisses ont représenté 45% des flux au niveau mondial, voire plus de 50% si l’on déduit les réexportations depuis Hong Kong. Cette région administrative de Chine est par ailleurs le deuxième exportateur mondial avec une valeur de 7,7 milliards de dollars, devant la Chine (4,7 mia), la France (2,5 mia) et l’Allemagne (2,0 mia). En d’autres termes, les montres suisses qui transitent à travers le monde ont une valeur à l’exportation trois fois plus élevée que leurs premières concurrentes. Et encore, parle-t-on des mêmes produits ? Le prix moyen d’une montre suisse exportée culmine en effet à près de 1500 dollars (prix export ex-usine), alors qu’une montre qui quitte Hong Kong vaut en moyenne 36 dollars ou encore 5 dollars en parlant de la Chine.
Ces quelques chiffres illustrent bien comment se structure la production horlogère mondiale. Au niveau des volumes d’échanges internationaux, l’horlogerie suisse est un nain face à des géants asiatiques comme la Chine, qui a exporté 430 millions de montres en 2021, ou Hong Kong qui en a exporté 160 millions. En comparaison, la Suisse a vu 16 millions de pièces franchir ses frontières cette même année, sur une production mondiale estimée à environ 1 milliard de montres terminées. Si l’on tient compte de la valeur des pièces, comme on vient de voire, l’équation s’inverse. C’est dire la valeur ajoutée d’une montre suisse dont la production mécanique tient le haut du pavé. En chiffres, cela se traduit par 6 millions de montres mécaniques suisse exportées en 2021 sur un total de 16 millions (37%) qui représentent toutefois plus de 85% de la valeur totale des exportations horlogères helvétiques. Evaluées au prix de détail, c’est-à-dire au prix de vente des montres terminées en boutique, les exportations de garde-temps helvétiques atteignent une valeur de l’ordre de 55 milliards de francs.
Le trou d’air du quartz
Après avoir vécu la période faste des trente glorieuses, synonyme d’exportations qui sont passées de moins de 500 millions de francs suisses en 1945 à plus de 3 milliards en 1974, l’horlogerie suisse va être touchée par un véritable marasme, l’un des plus graves de son histoire. Entre 1970 et 1985, le secteur perd 60% de ses emplois. Plusieurs facteurs y ont contribué, à commencer par les chocs pétroliers et le renchérissement du franc suisse face aux principales devises et notamment vis-à-vis du dollar. Entre 1970 et 1974, le franc va en effet s’apprécier de 58% face au billet vert, soit une capacité concurrentielle en chute libre sur les marchés internationaux sans rapport aucun avec la qualité des produits.
Dernier élément capital, l’horlogerie helvétique, bercée par des ententes cartellaires qui garantissaient les prix, a complètement manqué le virage du quartz, une technologie moins chère et pourtant parfaitement maîtrisée en Suisse. De produit durable, la montre s’est muée en produit de mode et de grande consommation, interchangeable à souhait, jetable vu son prix et surtout nettement plus fiable. Pour n’avoir pas compris toute l’importance de cette nouvelle technologie, les Maisons horlogères ont été laminées. En une quinzaine d’années, leur nombre a chuté de 1’618 en 1970 à 634 en 1985. Même constat au niveau des emplois, tombés à 33'000 postes en cette année 1985, alors qu’ils dépassaient les 90'000 places de travail quinze ans plus tôt.
Le monde comme marché
Au bord du gouffre dans les années 1980, l’industrie horlogère suisse a connu un remarquable rétablissement après la crise du quartz. Grâce à un repositionnement vers les produits haut de gamme et un remarquable travail pour faire entrer la montre mécanique dans l’univers du luxe, la branche a fortement profité du boom de la demande mondiale en produits de prestige entamé au milieu des années 1990. Ce succès, l’industrie horlogère helvétique le doit également à une prospection précoce et intensive des marchés émergents. C’est de loin l’Asie qui a le plus contribué à la progression des exportations horlogères helvétiques depuis le milieu des années 2000. Un seul exemple : la Chine. Avec des montres exportées pour une valeur de 50 millions de dollars en 2000, le pays ne figurait même pas sur la liste des vingt premières destinations horlogères suisses. Depuis, la progression a été fulgurante, la valeur des exportations passant à 394 millions en 2005, puis à 1,2 milliard en 2010 et encore à plus de 3 milliards de dollars en 2021. En conséquence, la Chine (sans Hong Kong) rivalise désormais avec les Etats-Unis comme premier marché d’exportation pour les produits horlogers suisses.
Cette formidable poussée à l’Est a permis à l’horlogerie suisse d’obtenir un bien meilleur équilibre géographique au niveau de ses perspectives commerciales. Avec le monde comme « terrain de jeu », les Maisons de la branche peuvent en effet tabler sur l’évolution conjoncturelle différenciée entre grandes zones économiques pour compenser les marchés les moins porteurs par ceux qui « cartonnent ». On constate ainsi que l’Extrême-Orient pèse désormais 30% dans les exportations horlogères suisses, un poids équivalent à celui de l’Europe, devant , le Moyen-Orient (9,6%) et le reste de l’Asie (9,6%). Au total, l’Asie dans son ensemble, Japon compris, représente 49%, soit une montre suisse exportée sur deux. Les conséquences de cette formidable marche en avant de l’horlogerie suisse, synonyme de records de ventes à l’exportation (CHF 24,8 milliards en 2022), s’est également portée sur l’emploi. Les effectifs de la branche ont dépassé les 60'000 personnes en 2022, le double de ceux observés dans les années 1980.
Big is beautiful
Depuis une vingtaine d’années, plusieurs tendances de fond ont marqué l’industrie horlogère. Parmi elles, notons une vaste concentration du secteur qui s’est traduite par le rachat de nombreuses marques et par l’émergence ou la consolidation de grands groupes horlogers, voire la création de départements horlogers d’importance au sien des ténors du luxe. Il en résulte une structure de l’industrie qui s’est fortement polarisée, comme c’est d’ailleurs le cas dans nombre d’activités industrielles. Sur les quelque 200 marques horlogères suisses, on observe ainsi la présence d’un petit nombre de grands acteurs – compagnies cotées en bourse propriétaires de plusieurs marques, fondations ou entreprises familiales – qui représentent environ deux tiers du marché, aux côtés de dizaines de plus petites Maisons qui assurent toutefois la diversité indispensable de cette industrie. Autre tendance incontournable : l’émergence de ce que l’on a appelé « la nouvelle vague horlogère » en référence au cinéma français des années 1960. Cette catégorie, qui a largement fait sa place au soleil, est constituée de créateurs indépendants offrant une alternative de choix avec des montres à la fois de grande tradition et totalement innovantes.
Qu’ils soient indépendants ou intégrés dans un groupe, les acteurs de l’industrie horlogère se répartissent ainsi entre les catégories suivantes:
- Maisons historiques de tradition
- Marques contemporaines créées par un horloger indépendant
- Marques de luxe avec un pôle horloger fort
- Artisans-créateurs au travail hautement artisanal
En parallèle à la concentration des marques, on observe également une forte tendance à l’intégration verticale de la production. Souhaitant contrôler l’ensemble de la chaîne de création de valeur, du plus petit composant à l’assemblage de la montre, les marques ont fait leurs emplettes parmi les sous-traitants horlogers quand elles n’ont pas investi dans leur propre outil de production. Parmi les principaux moteurs de cette évolution, on notera la volonté du Swatch Group, fournisseur de toute l’industrie, de limiter ses ventes de composants ou de mouvements à des tiers, tout comme la recherche d'exclusivité et le souci d’indépendance afin d’éviter tout problème d’approvisionnement notamment pendant les périodes de force croissance du marché. En un mot, le nombre de manufactures, capable de concevoir, produire, assembler et commercialiser leurs montres dans leur quasi-totalité s’est considérablement accru ces vingt dernières années.
Le « Swiss Made »
Les nouvelles dispositions concernant le label Swiss Made sont entrées en vigueur au 1er janvier 2017. Selon la révision de la loi sur les marques adoptée en 2013, la « valeur suisse » devra ainsi atteindre un taux de 60% pour les produits industriels. De plus, comme le rappelle la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), l’activité qui a conféré au produit ses caractéristiques doit être effectuée en Suisse, notamment la construction et le prototypage pour ce qui est des produits horlogers.
Pour l’obtention du label « Swiss Made » sur les produits industriels comme les montres, 60% au moins du prix de revient doit donc être d’origine suisse, les coûts d’assemblage, de recherche et de développement ainsi que les coûts liés à l’assurance qualité et à la certification prescrites par la loi ou réglementées à l’échelle d’une branche pouvant être pris en compte dans ce calcul. Par ailleurs, au moins une étape de fabrication principale doit être exécutée en Suisse. A l’inverse de l’ordonnance précédente, qui se limitait au mouvement et au contrôle final, les nouvelles dispositions s’étendent à l’ensemble de la montre.