FHH | Relancer les marques de montres après le Covid

Changements . Changements . Changements . Changements . Changements

Changements . Changements . Changements . Changements

14 Avril 2025

Changements dans l’environnement horloger

Industrie

de Christophe Roulet

Après les folles années post-Covid, la croissance horlogère est en berne. Pour repartir, les horlogers doivent se réinventer. Quelques pistes ont été esquissées lors d’un panel de discussion organisé par la Fondation Haute Horlogerie au salon INHORGENTA de Munich.

Tout le monde en conviendra, les années Covid ont eu un impact considérable sur l’économie mondiale, bouleversant les habitudes de vie et de consommation. L’horlogerie n’est pas restée en marge, connaissant par ailleurs un regain de croissance phénoménal une fois les affres de la pandémie à peu près maîtrisées. Qu’en est-il aujourd’hui que le soufflé est retombé et que l’euphorie a cédé la place à l’incertitude. C’est pour tenter de répondre à la question que la Fondation Haute Horlogerie organisait un panel de discussion lors du salon INHORGENTA de Munich, modéré par la journaliste spécialisée en horlogerie Elizabeth Doerr, également membre du Conseil Culturel de la FHH.

L'effet Covid

« Nous avons effectivement bénéficié de l’effet Covid, période durant laquelle les passionnés d’horlogerie étaient confinés chez eux, avec du temps à disposition et des réserves financières, explique Andrea Furlan, fondateur et CEO de la jeune marque Furlan Marri lancée en 2021. Le démarrage de nos activités via un financement participatif orchestré avec Kickstarter n’a pas seulement résolu nos besoins de liquidités mais nous a également apporté une base de 2'000 clients après un mois seulement, notamment grâce aux médias sociaux. Sur ces bases, notre démarche consiste aujourd’hui à nous demander ce que veulent nos clients regroupés au sein d’une communauté amenée à donner son avis à travers des votes sur nos produits. »

Pour Louis Erard, en grande difficulté à la fin de la décennie 2010, l’équation s’est évidemment posée en des termes différents mais avec la nécessité absolue de trouver la vraie bonne idée pour sortir la Maison de l’ornière. « Lorsque j’ai rencontré nos détaillants japonais qui menaçaient de nous quitter, j’ai bluffé pour sauver Louis Erard, raconte Manuel Emch, copropriétaire de la Maison. D’une part, je leur ai assuré que nous disposions d’un crédit relais et de l’autre, je leur ai assuré qu’une première collaboration avec Alain Silberstein était sous toit. Et comme Alain Silberstein est une star au Japon, cette promesse à fait mouche. Depuis, nous avons poussé ces collaborations, notamment avec des horlogers de renom comme Vianney Halter et Konstantin Chaykin, et bientôt avec des artistes et des architectes pour pousser le concept un pas plus loin. Cette stratégie, c’est une nouvelle vision pour Louis Erard qui nous permet de repousser les limites de la créativité. »

Paradoxe horloger

Il n’en reste pas moins que le monde horloger est aujourd’hui confronté à un paradoxe qui n’est pas sans poser problèmes. Comme le résume Emanuel Emch, « jamais depuis ces 25 dernières années, l’horlogerie n’a eu autant de nouveaux clients, tous férus d’horlogerie et parfaitement éduqués. Et pourtant, l’industrie souffre de graves problèmes structurels qui se manifestent par des surcapacités au niveau de la production de mouvements mécaniques. En bref, après les excès des années Covid, nous sommes tous confrontés à un tassement. Dans ce contexte, il s’agit d’abandonner ce discours marketing qui se fait au détriment de la qualité. Le produit, c’est lui le « héros ». Et nous devons tous prendre un engagement auprès des consommateurs pour en faire le centre de nos valeurs. »

« Ce qui est intéressant dans l’évolution de ces dernières années, exposait Scott Wempe, codirecteur du développement de détaillant Wempe. C’est que l’industrie au sens large doit aujourd’hui agir différemment, avec les horlogers indépendants en ligne de mire. On ne peut en effet ignorer le type d’interaction qui s’établit entre ces créateurs horlogers et les personnes qui s’intéressent à leurs réalisations. C’est d’abord et avant tout une question d’authenticité. Nous savons pertinemment que les clients arrivent dans l’univers horloger via les marques. Maintenant, on peut se demander pourquoi, une fois ce pas franchi, lorsque le client a acquis les connaissances nécessaires, il s’intéresse à cette nouvelle culture horlogère des indépendants. Cela revient à se demander pourquoi le contact direct et personnel fait des miracles et ce que signifie la consistance et l’inclusion. La solution miracle n’est certainement pas d’augmenter prix pour d’avantage d’exclusivité. »

Etre là demain

Tout le monde s’accorde en effet à dire que « la clé, c’est le produit » et dans ce contexte, l’innovation est un concept incontournable. Reste que pour en faire connaître toutes les subtilités, encore faut-il avoir un contact privilégié avec les aficionados. Un terrain d’expression qui demande une nouvelle approche de créateur, en dehors des discours marketing mais basée sur une expérience client qui privilégie la proximité, les solutions personnalisées et un parler « vrai ».

Ces conditions nécessaires et indispensables doivent aujourd’hui trouver un plus large écho. « Au-delà de ces questions d’expérience client et de qualité du produit, exposait Scott Wempe, les acteurs de la branche doivent agir conformément à leur statut, celui de membres d’une industrie dont les volumes de production sont aujourd’hui menacés par une lente érosion. Dans ce contexte, les Maisons qui sauront répondre à cet impératif voulant qu’une montre est un objet durable et non un produit de marketing auront toutes les chances d’être là demain. »