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19 Novembre 2024

La montre féminine, sous-produit horloger ?

Forum, Industrie

de Christope Roulet

En collaboration avec Watch Femme, le cabinet de conseil Deloitte a mené une étude sur le marché de la montre féminine. Les conclusions tiennent en trois mots : fascinant, inexploré et prometteur. 

Malgré l’attention croissante que portent les marques horlogères aux amatrices de montres, nombre de questions les concernant n’ont toujours pas trouvé de réponses véritablement satisfaisantes. Parmi elles, on peut en effet se demander pourquoi les femmes sont si peu visibles sur le marché horloger alors qu’elles forment la majorité des consommatrices de produits de luxe. Pourquoi les montres de luxe sont-elles encore largement considérées comme une chasse gardée masculine et pourquoi les plus prestigieuses d’entre elles en termes de virtuosité horlogère sont-elles quasi exclusivement réservées au poignet masculin ? C’est pour tenter de répondre à ces questions que le cabinet de conseil Deloitte a mené une enquête d’opinion* auprès de 6 000 consommateurs, secondé dans cette entreprise par Watch Femme. Cette association basée à Genève, qui œuvre à la promotion des femmes dans l’univers horloger, a complété l’étude en prenant le pouls d’une centaine de professionnels et collectionneurs, essentiellement des femmes. 

 Avant toute analyse du marché horloger au féminin, un premier constat s’impose : si 43 % des places de travail sont occupées par des femmes dans cette industrie, elles sont largement sous-représentées au sein des postes à responsabilité et des instances dirigeantes. Et c’est encore sans parler d’inégalités salariales pour le moins alarmantes. Les femmes employées dans la branche gagnent en moyenne 25 % de moins que leurs homologues masculins, soit un écart plus important que dans les autres principales industries suisses, selon le syndicat Unia. Ces particularités sont-elles le reflet d’une certaine approche du marché ? 

Des options, beaucoup d’options

En tout état de cause, lorsqu’il s’agit de l’univers horloger au féminin, un deuxième constat s’impose : l’amalgame consistant à regrouper la montre dame dans une catégorie générique distincte est une erreur persistante. « Il n’existe pas d’approche unique qui permettrait aux Maisons horlogères d’accéder aux consommatrices de montres en général, avertit l’étude. Tout comme il n’existe pas d’approche unique donnant accès aux consommateurs de montres masculins. » Ces derniers veulent des options, beaucoup d’options. Il est donc raisonnable de penser que les femmes aussi. Dans ces conditions, il est peut-être sensé d’aborder le sujet en se demandant ce que les montres représentent pour les femmes et comment elles les achètent. Aux yeux des femmes, une belle montre n’est-elle qu’un objet de luxe parmi d’autres, comme on a souvent pu l’entendre ? 

La réponse à cette question passe notamment par ses comportements d’achat qui, eux, semblent relativement bien cernés. Lorsqu’il s’agit d’acheter un produit de luxe, les femmes font preuve d’une grande loyauté aux marques, cèdent volontiers aux achats impulsifs et présentent un profil de consommatrices hédonistes, accordant davantage d’importance au plaisir procuré par leur achat qu’à leur valeur. Comme l’exprime Julien Tornare, CEO de Hublot, pour les hommes, les montres sont avant tout une question de statut alors que les femmes vont acheter une montre parce qu’elles apprécient un design particulier ou parce qu’elles aiment la sensation et l’élégance qu’elle procure. 

Mais sont-elles véritablement attirées par les montres traditionnelles ? Selon Deloitte, en 2024, 33 % des femmes portent une montre connectée, une proportion qui a pratiquement doublé en quatre ans. À l’inverse, la proportion de celles qui portent un garde-temps traditionnel (mécanique ou quartz) a passé de 40 % à 22 % durant le même laps de temps. Faut-il y voir une tendance irréversible ? Les horlogers tendent à penser que les smartwatches peuvent très bien agir comme un tremplin vers le monde horloger, d’autant que 23 % des femmes disent ne porter aucune montre et que les montres connectées s’apparentent de plus en plus à des accessoires de santé. Et c’est là que les influenceurs et autres stars ont leur rôle à jouer, à l’image des chanteuses Lana Del Rey ou Lily-Rose Depp, en campagne pour Chanel. Car si les femmes ont souvent été sensibilisées à l’univers dans la Haute Horlogerie par un homme, notamment leur père, comme le relève Aurélie Streit, vice-présidente de la Fondation de la Haute Horlogerie, on constate aujourd’hui qu’une majorité d’amatrices achètent des montres pour elles-mêmes et qu’elles sont désormais prêtes à y mettre le prix, notamment en Chine. 

Mal servies et mal informées

Mais quelle montre choisir ? Si une proportion importante de femmes (44 %) dit vouloir des modèles spécifiquement féminins, elles sont de plus en plus nombreuses (26 %) à écarter le critère des genres. Les Maisons semblent d’ailleurs avoir très bien anticipé cette évolution, comme le démontre le succès des collections telles que la Nomos Tangente 38 ou la Tissot PRX. C’est ainsi le design qui prime désormais dans le choix du modèle, un critère aussi important que le prix, sans oublier le nom de la marque. Pour les Chinoises amatrices d’horlogerie, c’est la marque qui compte avant tout, note la consultante et journaliste spécialisée Shining Shu. La reconnaissance passe ainsi par des investissements importants. Notamment dans les boutiques, qui restent les points de vente privilégiés des consommatrices, même si les jeunes générations sont évidemment nettement plus enclines à s’orienter vers les différentes plateformes en ligne. 

Mal servies et mal informées

L’environnement étant posé, il revient à Watch Femme de préciser le décor. Comme le confirme son enquête, il y a une dichotomie certaine entre les montres ciblées pour femmes et les montres que les femmes choisissent d’acheter et de porter, suggérant que « les marques horlogères ne donnent pas aux consommatrices ce qu’elles veulent ». En d’autres termes, les amatrices d’horlogerie sont mal servies par l’industrie en termes de création de produits et mal informées sur la palette de modèles disponibles. Sur la question des genres, qui continue de diviser, Julien Tornare apporte son éclairage : « Jamais durant toutes mes rencontres avec la clientèle je n’ai entendu dire qu’il leur était important de savoir si une montre était pour une femme ou un homme. » Une chose est sûre toutefois, les personnes interrogées sont largement d’avis (79 %) que les femmes n’ont pas la même expérience client que les hommes. En boutique, elles sont souvent négligées, voire ignorées. 

Forte de ces constats, l’étude conclut en voyant le marché de la montre femme comme « fascinant, inexploré et prometteur ». Si l’évolution vers des montres non genrées semble inéluctable, il faut toutefois enfin reconnaître que l’amatrice d’horlogerie ne répond pas à un modèle spécifique. Complexe et diverse, elle exprime des besoins qui doivent être compris dans le contexte plus large d’un univers du luxe dont les montres font partie comme des accessoires dont l’importance varie selon les occasions. En ce sens, l’expérience en boutique doit être revue pour accorder aux femmes toute l’attention qu’elles devraient également avoir au sein même de cette industrie.