Philippe Dufour

Personnages célèbres, artisan

Grand défenseur de la tradition, Philippe Dufour a largement contribué à l’intérêt porté par les collectionneurs et les amateurs de belle horlogerie au travail des indépendants.

Né en 1948, Philippe Dufour est l’un des horlogers indépendants les plus respectés, vénéré même au Japon, pour ses montres considérées comme de véritables œuvres d’art tant en termes de construction que de finition. Avec une production de 230 montres entre 1992 et 2020, soit un rythme de production de quelque 8 pièces par an dicté par la réalisation de la quasi-totalité des composants à la main, Philippe Dufour est l’horloger des collectionneurs par excellence. Après avoir entamé son cursus chez Jaeger-LeCoultre, notamment en réorganisant son service après-vente en Angleterre, puis travaillé pour la General Watch Company à Sainte-Croix dans les Caraïbes, Philippe Dufour revient au Sentier en 1974. Il trouve d’abord un emploi chez Gérald Genta, puis Audemars Piguet, avant de s’installer comme indépendant en 1978, actif dans la restauration de pièces anciennes, tout en réalisant cinq montres de poche à Grande et Petite Sonnerie pour Audemars Piguet. Cette tâche « immense » devait toutefois l’inciter à lancer sa propre marque. En 1992, il fait sensation avec la présentation de sa pièce inaugurale, une montre-bracelet à Grande et Petite Sonnerie, couplée à une répétition minutes, une première mondiale. Quatre ans plus tard, il récidive avec la Duality, autre première mondiale pour intégrer un double régulateur dans une montre de poignet.

En 2000, Philippe Dufour démarre son nouveau projet : la réalisation de la Simplicity qui marque un retour aux fondamentaux de l’horloger avec une montre à heures, minutes et petite seconde. Initialement, l’horloger devait réaliser 100 exemplaires de sa Simplicity, proposée en 34 mm ou 37 mm. La pression des collectionneurs l’incitera finalement à doubler la production avec toujours le même soin du détail confinant à l’obsession. En 2020, avant de mettre un terme à la Simplicity, Philippe Dufour annonçait une ultime série anniversaire de 20 nouvelles pièces de 37 mm en or blanc, or rose et platine, dont la montre inaugurale s’est vendue aux enchères à Genève pour 1,3 million de francs. Grand défenseur de la tradition, Philippe Dufour a largement contribué à l’intérêt porté par les collectionneurs et les amateurs de belle horlogerie au travail des indépendants. Fidèle à ses principes, il a participé à plusieurs projets visant à transmettre les savoir-faire horlogers ancestraux afin d’éviter que l’ère numérique ne les fasse définitivement tomber dans l’oubli. 

1967

Diplômé de l’Ecole technique du Sentier

1978

Ouverture de l’atelier Philippe Dufour

1982-88

Réalisation de cinq montres de poche Grande & Petite Sonnerie pour Audemars Piguet

1989

Présentation de la montre de poche Grande & Petite Sonnerie No1 signée Philippe Dufour

1992

La Grande & Petite Sonnerie en montre-bracelet, une première mondiale, fait sensation au salon de Bâle. Philippe Dufour en réalisera 8 pièces.

1996

Présentation de la Duality à double balancier actionné par un seul rouage avec différentiel pour une production de 9 pièces.

2000

Lancement de la Simplicity à heures, minutes et secondes pour une production de 204 pièces en 17 ans.

2020

Annonce d’une édition anniversaire de la Simplicity avec 20 nouvelles pièces dont la montre inaugurale s’est vendue aux enchères à Genève pour 1,3 million de francs.

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Sur son choix de son métier

« A l'âge de quinze ans, je voulais apprendre le métier de mécanicien. À la suite de l'examen d'entrée de l'Ecole d'Horlogerie de la Vallée de Joux, on m'a fait comprendre que j'avais des lacunes en mathématiques et que j'étais juste assez bon pour apprendre horloger. Je n'ai donc pas choisi mon métier ! Dès les premiers mois d'apprentissage, j'ai fabriqué mes propres outils et commencé ma montre école. Créer un objet ou un élément de montre à partir d'un bout de matière a été une grande découverte qui m'a beaucoup plu. J'avais en quelques sorte attrapé le virus et depuis, je n'en suis pas ressorti. Après les quatre ans d'apprentissage, j'ai obtenu le diplôme d'horloger rhabilleur en 1967. A la suite de cela, j'ai pu
travailler pour différentes manufactures horlogères en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et même dans les Caraïbes ! En 1978, après un coup de tête, du jour au lendemain je suis devenu indépendant. Et pendant 5 ans, j'ai restauré des montres de poches compliquées pour un organisme de vente aux
enchères. Durant cette période, j'ai beaucoup appris et me suis rendu compte que 7/10 montres qui sont passées sur mon établi étaient d'origine de la Vallée de Joux.
Un jour je me suis dit : « Les anciens l'ont fait, pourquoi ne pas le refaire !? » J'ai donc réalisé mon premier mouvement de Grande Sonnerie Répétition Minutes, montre de poche (19 lignes). N'étant pas connu, tout le monde me félicitait mais je n'avais pas assez de crédit aux yeux des connaisseurs. J'ai donc choisi de
réaliser cinq garde-temps pour une manufacture de la région, ce qui signifie cinq années de travail. Mais l'envie de fabriquer des garde-temps sous mon propre nom était toujours présente. Si bien qu'en 1992, au Salon de Bâle, j'ai présenté ma première montre Philippe Dufour, en nouveauté mondiale, une Grande Sonnerie Répétition Minutes en montre bracelet. Suivie en 1996 de la sortie de la Duality, montre à double régulateur, et en 2000 le modèle Simplicity qui comme le dit si bien son nom, est une montre simple... »
 

Au sujet de l’élément le plus surprenant de son quotidien

« J'ai été surpris de voir que les gens sont capables d'attendre des années afin d'obtenir mes gardetemps. Et pour eux, chaque jour est un plaisir d'attendre. L'évolution des médias fait que mes montres sont connues partout à travers le monde, même dans des pays ou je n'ai jamais mis les pieds ! Malgré mon âge, j'ai toujours autant de plaisir à franchir la porte de mon atelier chaque matin, allumer une pipe et mettre de la musique classique en regardant les chamois ou les vaches à travers la fenêtre devant mon établi. »
 

Son conseil pour les prochaines générations

« En 2013, quand j'ai reçu le prix spécial du jury du GPHG, dans mon discours, j'ai dit ceci : « Aux jeunes je vous dis, allez-y, réalisez-vous! Il y a de la place pour vous ! Réalisez votre rêve, car dans chaque coeur d'horloger se cache un rêve, fabriquer sa propre montre. » Mais l'indépendance à un certain prix. Avant de commencer, il vous faut effacer certains mots de votre vocabulaire. Les mots : vacances, weekends et retraite ! Quand vous avez fait ceci, vous pouvez y aller ! »