Émailleur

Introduction 

L’émailleur crée ou reproduit des motifs à l’aide d’émaux, matière issue de la famille du verre, qu’il prépare soigneusement afin d’obtenir une fine poudre. Il utilise différentes techniques – champlevé, cloisonné, grisaille, plique-à-jour ou peinture miniature – pour décorer des cadrans par la liaison de l’émail au métal lors de passages au four.  

Description 

S’il est difficile de dater précisément l’apparition de l’émail comme technique décorative, on observe dans l’Égypte ancienne, puis en Grèce, des pièces d’orfèvrerie ornées de pâte de verre et des statues incrustées d’émail. Depuis quelque 4 000 ans, cet art ancestral n’a ainsi cessé d’embellir des objets décoratifs divers, attestant une sûreté du geste et une grande expérience dans les matériaux de base comme dans l’art du feu. L’émail est en effet une matière vitreuse fondante, faite à partir de différents minéraux auxquels sont ajoutés des oxydes métalliques pour obtenir la couleur. Il se présente généralement sous la forme de poudre qui, en horlogerie, est appliquée sur un support métallique (cuivre, argent ou or) en fines couches successivement cuites au four. On parle d’émail « Grand Feu » lorsque le point de fusion est obtenu à une température plus élevée que les émaux classiques, soit entre 820 et 850 °C. 

 Dès le xvie siècle, les horlogers ont adopté les différentes techniques d’émaillage avec une maîtrise faisant de ces pièces de véritables œuvres d’art. S’il est vulnérable aux chocs, l’émail est un matériau robuste, voire inaltérable, dont la vivacité des couleurs chatoyantes a vite été appréciée pour l’ornementation des montres et bijoux. Genève, dont l’horlogerie était déjà reconnue à l’international à cette époque, a saisi l’occasion d’affirmer tout son savoir-faire dans cet art de l’embellissement. Dès le xviie siècle, les « émaux de Genève » – une technique particulière de peinture miniature en émail Grand Feu sous fondant – acquièrent ainsi une réputation grandissante, tout comme ses maîtres artisans, dont les plus connus signent des créations originales en tant que peintres miniaturistes. 

Quelle que soit la technique utilisée, l’émailleur dépose à l’aide d’un pinceau d’une extrême finesse sa poudre d’émail de la couleur choisie. Après la première pose de couleur, la pièce va subir un premier passage au four autour de 800 °C. Puis l’artisan va poursuivre son œuvre en ajoutant une deuxième couleur, qui exigera un nouveau passage au four, répétant l’opération autant de fois que nécessaire pour couvrir toute la palette des teintes du motif à réaliser. Comme chaque teinte a un point de fusion différent, l’émailleur doit débuter le processus avec la couleur ayant la température de fusion la plus élevée et poursuivre decrescendo. Sa préoccupation majeure est de réussir ces cuissons successives sans altérer la pièce. Une fissure dans l’émail, l’émergence de microbulles en surface, des couleurs qui brûlent lors d’un passage au four condamnent immanquablement le travail déjà réalisé. 

Les techniques d’émaillage : 

  • Le champlevé – Technique la plus ancienne, l’émail champlevé consiste à graver le motif sur le boîtier ou le cadran avant de remplir les cavités ainsi formées avec de l’émail. Les émaux sont ensuite fondus à plus de 800 °C au cours de cuissons successives. 
  • Le cloisonné – Le cloisonné revient à cerner le contour des motifs à l’aide de fils d’or ou d’argent fixés sur une base. L’émail est déposé en couches successives dans ces alvéoles afin d’obtenir les volumes et couleurs souhaités au terme des multiples passages au four. 
  • Le plique-à-jour – Cette méthode d’émaillage est dérivée du cloisonné, ici dit « à jour » ou plique-à-jour, mais sans fond métallique à l’état final. Les alvéoles sont collées sur un support en cuivre fin qui, après cuisson des émaux, est dissous à l’acide pour un effet vitrail. 
  • La miniature – Le peintre miniaturiste travaille à la main sous binoculaire pour réaliser les motifs désirés sur une couche d’émail cuite. Appliquée en plusieurs fines couches et couleur par couleur, la peinture est fixée chaque fois lors des cuissons successives. 
  • L’émail grisaille – Avec l’émail grisaille, il s’agit de dessiner sur un fond émaillé sombre ou noir un motif par dépôts successifs de pointes de blanc de Limoges – un émail blanc pâteux – afin d’obtenir des nuances de gris et des effets de clair-obscur. 
  • Le flinquage – Cette technique consiste à recouvrir d’émail transparent, parfois légèrement coloré, une surface préalablement guillochée. Cette opération donne à la pièce un éclat particulier en intensifiant les jeux de reflets de la gravure. 
  • Le paillonné – Des motifs délicats découpés dans une feuille d’or – les paillons – sont déposés un à un à la main sur une couche d’émail pour être ensuite recouverts par une nouvelle couche d’émail translucide cuite au four. Il en résulte un subtil effet de profondeur. 

Formation 

En Suisse, la formation d’émailleur s’acquiert dans le domaine de l’horlogerie-joaillerie en cours d’emploi avec obtention d’un certificat de la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse. La durée est de 22 mois sur un maximum de trois ans. Les personnes en formation apprennent les différentes techniques d’émaillage utilisées dans l’industrie horlogère : champlevé, cloisonné, grisaille, plique-à-jour ou encore peinture miniature. Les candidats doivent être titulaires d’un certificat fédéral de capacité en horlogerie ou d’un titre jugé équivalent avec concours d’admission. Il existe également des modules de formation continue permettant d’acquérir les techniques de base de l’émaillage avant de considérer une spécialisation. 

Carrières et opportunités

La maîtrise des techniques d’émaillage est un processus long et difficile mais gratifiant. En ce sens, les Maisons horlogères, de plus en plus nombreuses à intégrer les métiers d’art au sein de leurs ateliers, offrent des conditions d’emploi attractives afin de fidéliser leurs émailleurs. Avec l’expérience, ou après avoir suivi l’enseignement d’un maître artisan, l’émailleur peut également considérer la voie de l’indépendance s’il réussit à se créer un réseau de clients stable. Les émailleurs les plus talentueux sont aujourd’hui reconnus et recherchés. Ils sont d’ailleurs régulièrement cités par les Maisons horlogères comme auteurs de leurs plus belles pièces émaillées, gage d’un travail d’exception.   

Q&A

Quelles compétences sont nécessaires pour devenir émailleur horloger ? 

L’émailleur doit faire preuve d’une bonne acuité visuelle, d’une excellente capacité de concentration et d’un esprit créatif. Outre son habileté manuelle, il doit également manifester un intérêt pour l’art et la matière dans un constant souci de rigueur et de précision. 

 

Quels sont les défis du métier d’émailleur horloger ? 

Les principaux défis consistent à acquérir les différentes techniques d’émaillage, soit un parcours de longue haleine, en ce qui concerne non seulement la maîtrise du geste mais également celle du feu. Selon la complexité, une pièce émaillée peut requérir plusieurs dizaines de passages au four. 

 

Quelles sont les opportunités d’emploi pour un émailleur horloger ? 

Les émailleurs dans le domaine de l’horlogerie-joaillerie ont de bonnes perspectives d’emploi étant donné que les Maisons sont de plus en plus nombreuses à intégrer des ateliers « métiers d’art », et donc les techniques d’émaillage, au sein de leur manufacture. De plus, avec l’expérience, ils peuvent accéder au statut d’indépendant ou rechercher des postes à responsabilité dans la création.