« Je t’aime… moi non plus » entre l’homme et la mer. « Je t’aime… moi non plus » entre l’homme et la mer. « Je t’aime… moi non plus » entre l’homme et la mer. « Je t’aime… moi non plus » entre l’homme et la mer. « Je t’aime… moi non plus » entre l’homme et la mer
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10 Février 2022
« Je t’aime… moi non plus » entre l’homme et la mer
Forum, Durabilité
Du 9 au 11 février 2022 se tient le sommet One Ocean à Brest dans le but de mobiliser la communauté internationale quant aux actions concrètes à prendre pour sauver les océans. Une urgence de plus dans l’agonie de la planète. Première partie : état des lieux.
L’équation est relativement simple : comment vendre des montres de rêve taillées pour les abysses s’il est question de plonger dans une poubelle ? On a beau prétendre que les montres de plongée sont aujourd’hui bien plus que des modèles étanches, parfaitement adaptées à la vie urbaine active, voire intrépide, il n’empêche, ce n’est clairement pas en faisant l’impasse sur l’agonie des océans que les Maisons horlogères championnes des mers vont redorer leur blason, bien au contraire. D’autant qu’il y a urgence. Comme pour tout ce qui touche l’état de santé de la planète, de plus en plus intoxiquée par les addictions du genre humain. C’est exactement le message que doit faire passer le One Ocean Summit, grand raout qui se tient à Brest, France, du 9 au 11 février 2022 en présence de 400 experts, scientifiques, chefs d’État et représentants de la société civile et des ONG. Un sommet qui donne le coup d’envoi de la deuxième année de cette décennie des Nations unies pour les « sciences océaniques au service du développement durable », ayant pour objectif une mobilisation générale autour d’un « programme commun de recherche et d’innovation technologique ».
L’ampleur des maux
Au-delà des grandes phrases et des concepts ronflants, il est effectivement grand temps que les discours débouchent sur du concret. Et pour cause : les océans forment le poumon de la planète pour capter jusqu’à 30 % du CO2 anthropique tout en émettant 50 % de l’oxygène que nous respirons à travers les phytoplanctons. Sans parler de leur contribution économique, en sachant que 12 % de la population mondiale dépend des revenus de la pêche comme de l’aquaculture et que les flux touristiques et les échanges commerciaux sont nombreux à passer par la mer. Or la santé des océans est clairement menacée, comme le rappelle le récent rapport de la Fondation de la mer et du Boston Consulting Group.
« Avec l’élévation du niveau moyen des mers, attendue entre 20 cm et 1 m d’ici 2100, de plus en plus de zones seront exposées aux inondations, soit à cause d’événements récurrents liés aux marées, soit à cause d’événements extrêmes, rendant ces zones invivables et provoquant des migrations de grande ampleur », note l’étude. La disparition des herbiers marins, essentiels dans la séquestration du carbone et comme habitats de nombreuses espèces de poisson, est tout aussi préoccupante, tout comme la disparition des récifs coralliens, indispensables contre l’érosion des côtes et comme fournitures de ressources alimentaires. Et c’est encore sans compter la destruction des mangroves, aux pertes annuelles supérieures à celles de la forêt tropicale et pourtant bien plus efficaces dans la capture de CO2. Un signe qui ne trompe pas : sur les 50 dernières années, les populations de poissons et de cétacés ont diminué de moitié !
Une vision libérale de l’écologie
Inutile d’ergoter longtemps, comme le montre le rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les maux sont largement connus et pratiquement tous imputables à l’activité humaine. La liste commence par le dérèglement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre qui entraînent le réchauffement et l’acidification des océans, suivi par le bétonnage et l’artificialisation des littoraux, puis par la surpêche et la prolifération d’espèces invasives exotiques, sans oublier, évidemment, la pollution. Pas moins de 8 millions de tonnes de plastique sont déversées chaque année dans les océans pour former, notamment, le 7e continent, ce vortex qui s’étend entre Hawaï et la Californie sur plus de 1,6 million de km2, soit trois fois la superficie de la France…
Pour Catherine Le Gall, auteure de L’Imposture océanique, le modèle durable d’exploitation des océans, qui fait son chemin aujourd’hui sous le concept d’« économie bleue », est un emplâtre sur une jambe de bois. À la base, les grands acteurs industriels ont proposé une vision libérale de l’écologie « qui repose sur l’absence de mesures contraignantes, l’absence de réglementation des États et des mécanismes de marché pour protéger la nature, explique-t-elle sur le site iD4D, le média du développement durable. Ces grands principes ont eu tellement de succès qu’aujourd’hui ils sculptent les décisions en matière de politique climatique. Ils ont infusé dans toutes les strates de la société par l’intermédiaire de lobbies, de fondations philanthropiques et à travers le financement de grandes ONG, qui reprennent à leur compte une approche économique de l’écologie. Le développement durable comme l’économie bleue défendent une écologie de marché qui met en œuvre une vision utilitariste de la nature. C’est comme ça qu’aujourd’hui les marchés du carbone sont devenus l’un des principaux outils de la politique climatique internationale ».
La financiarisation de la nature
Poussée un pas plus loin, cette vision aboutit à une monétisation de la nature et, in fine, à sa financiarisation, qui représenterait l’avantage de rendre la nature plus visible et donc plus attractive aux capitaux privés pour en assurer la protection. Un petit détour par les marchés financiers n’est, à ce stade, pas inutile, en sachant que non seulement les océans mais aussi l’eau sont un enjeu majeur de la planète, comme le rappelle tous les 22 mars la Journée mondiale de l’eau des Nations unies, destinée à sensibiliser à la situation de 2,2 milliards de personnes qui vivent sans accès à de l’eau salubre. Depuis fin 2020, le Chicago Mercantile Exchange (CME) a en effet ouvert son marché à des contrats à terme sur l’eau. En l’occurrence, les investisseurs peuvent désormais s’intéresser à l’évolution du cours de l’or bleu en Californie, avec comme indice de référence le Nasdaq Veles California Water, qui suit le prix des droits sur l’eau dans les cinq régions les plus importantes et les plus négociées de Californie. La création d’un tel marché avait été annoncée quelques mois plus tôt, au plus fort des incendies qui ravageaient l’État, alimentés par le réchauffement climatique. Selon l’argumentation du MCE, il s’agit officiellement de « fournir aux utilisateurs agricoles, commerciaux et municipaux d’eau une plus grande transparence, une meilleure détermination des prix et un meilleur transfert des risques. Ce qui peut contribuer à aligner plus efficacement l’offre et la demande de cette ressource vitale ».
À ce stade, on ne peut qu’observer l’évolution dans des pays comme l’Australie, où l’attribution de l’eau est confiée au gouvernement et aux marchés financiers. Les autorités publiques attribuent ainsi un quota d’eau par consommateur, calculé en fonction des besoins, des réserves existantes et des prévisions climatiques, avec le droit pour les fermiers, les villes ou les industriels de revendre les excédents potentiels sur le marché. Au vu de la spéculation qui a déjà causé une envolée des prix et la faillite de petits agriculteurs, obligés d’acheter leur eau au prix du lait qu’ils écoulent, certains ont déjà tiré la sonnette d’alarme. À l’inverse, certains groupements écologistes ont trouvé leur compte dans cette monétisation de l’eau, trop contents de pouvoir en acheter pour la restituer à la nature.
Cet appel aux capitaux privés n’est toutefois pas sans poser problème si l’on considère la nature comme un bien commun qui devrait être protégé par des politiques publiques et non par le secteur privé. Ce qui ouvre la voie à de nombreuses dérives, selon Catherine Le Gall : « Monétiser la nature permet de la couper en petits bouts, en actifs financiers, de la vendre et de promettre à un investisseur un retour sur investissement. On a ainsi attribué un prix aux mangroves, ou aux baleines qui séquestrent du CO2. Cette vision considère que la nature est à vendre, et comporte un risque d’accaparement des espaces naturels par les capitaux privés, au détriment des communautés locales qui en tirent leur subsistance. À aucun moment, les marchés financiers n’apportent une réponse à la surexploitation des ressources maritimes, à la pollution des mers et aux émissions de gaz à effet de serre. » Un débat pour la One Ocean Summit !