Aux origines du temps
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Histoire de la mesure du temps
de Christophe Roulet
Le temps, ce concept insaisissable qui nous captive depuis des siècles. Rejoignez-nous pour un voyage captivant à travers les étapes historiques qui ont façonné la mesure du temps, depuis les ombres primitives de nos ancêtres jusqu'aux montres précises et sophistiquées qui ornent nos poignets aujourd'hui.
Rendez-vous entre « potes » néandertaliens
Quand nos ancêtres hominidés avaient rendez-vous, plantaient-ils un bâton dans le sol pour estimer approximativement quand la rencontre avec les « potes » aurait lieu en observant l’ombre projetée au sol ? Sûrement pas ! Et pourtant, une telle situation n’est pas si incongrue si on veut bien changer les dates et laisser l’homo sapiens entrer en scène. C’est bien lui qui, au fil de ses cogitations, s’est rendu compte que si on se déplace dans l’espace, on se déplace aussi dans le temps. Une évidence, dira-t-on. Pas de doute sur la question, mais qui demande un effort de réflexion de la part de notre chasseur-cueilleur autre que celui consistant à estimer la distance qui le séparait du troupeau de mammouths. En fait, c’est essentiellement l’observation des phénomènes naturels et leur répétitivité qui a mis la puce à l’oreille de ces premières populations : alternance des jours et des nuits, des saisons, course du soleil et de la lune… Il y avait là de quoi constituer un « historique » fait d’hiers, d’aujourd’huis et de demains. Autrement dit, il y avait de quoi se nourrir du passé pour mieux anticiper l’avenir. Une évolution essentielle au sein de ces sociétés « sans domicile fixe ».
Il est temps de planter les patates
Au néolithique
De ces cycles de la Nature, si bien organisés dans l’agenda céleste, les hommes en ont déduit que des grandes puissances étaient à l’œuvre. Or ces puissances méritaient des rituels pour les concilier et des constructions pour les honorer. Des constructions à la hauteur des enjeux, monumentales, donc, comme les menhirs et les dolmens qui commencent à pulluler partout en Europe et en Afrique du Nord dès le néolithique (10’000-2'200 av. J.C.). D’abord utilisés comme sépultures collectives, ces agencements de pierres peu ou pas taillées sont également les témoins des premières observations astronomiques liées au Soleil et à la Lune. Essentielles, par exemple, pour prévoir le temps des semis ou la transhumance des troupeaux en fonction des solstices ou encore d’esquisser l’alternance des mois lunaires. Manquait finalement un tout petit « plus » pour passer d’une « simple » orientation architecturale à une conceptualisation plus poussées du temps sous la forme de calendriers et donc d’une division du temps. Il ne manquait que l’écriture !
Aristote l’avait bien dit
Durant l’Antiquité
Apparue vers 4'200 av. J.-C. en Mésopotamie mais également en Chine et dans l’empire Maya un millénaire plus tard, l’écriture a en effet permis d’établir les premières tabelles fondées sur le mouvement apparent du Soleil et de la Lune. Mieux, vers 2’400 av. J.C., les Mésopotamiens imaginent une unité de mesure commune au calcul des distances et du temps qui constitue, encore aujourd’hui, la base de notre système sexagésimal (base 60) des degrés d’angle et des minutes. Et comme on commence à compter les jours, le décompte des heures suit avec des horloges solaires, à eau ou à feu pour les mesurer. Dans la foulée, l’astronomie ne cesse de progresser, si bien que les calendriers gagnent en précision avec, bientôt, des mécanismes pour en reproduire les particularités. Aristote, qui vécut au 4e siècle av. J.C., en fait d’ailleurs mention. Anticythère, un nom connu ? C’est au large de cette petite île grecque de la mer Egée que des plongeurs ont découvert dans un épave la machine dite d’Anticythère, premier calculateur astronomique à engrenages connu, datant du 2e siècle av. J.C. L’astrolabe, instrument astronomique d’observation et de calcul des mouvements célestes, date d’ailleurs de la même époque. Il sera largement utilisé jusqu’au 19e siècle.
Et l’horloge fut
Au bas Moyen-Âge
Après l’Antiquité et son foisonnement intellectuel, il faudra attendre le bas Moyen Âge pour que des impulsions décisives donnent un nouveau visage au décompte du temps. Les religieux s’adonnent à la traduction en latin des textes scientifiques et la noblesse, qui se passionne pour le progrès, commence à s’intéresser à la mécanisation. Les fameuses machines de Leonardo Da Vinci en sont le meilleur exemple. C’est dans ce contexte propice que les premières horloges mécaniques voient le jour. Leur principe ? Un rouage régulé par un échappement entraîné par un poids. Principe qui, depuis, n’a pas varié d’un pouce si ce n’est que le poids a été remplacé par un ressort.
De toutes les inventions nées du génie de l’homme, l’horloge est probablement celle qui a exercé le plus d’influence sur son esprit et son comportement. Plus besoin de savantes observations, le temps devient « un long fleuve tranquille », linéaire et endigué, qui a gagné son indépendance face aux cycles de la Nature. Le temps devient une composante essentielle du vivre ensemble et donc du vivre mieux.
L’ivresse du temps
Du 16e au 17e siècle
Monumentales à ses débuts, symbole de puissance et de modernité, l’horloge rythme la vie quotidienne dans les villes et les campagnes au son des cloches logées dans des beffrois. Mais la miniaturisation est en cours, d’autant que la noblesse manifestait un goût des plus prononcés pour les objets d’apparat capables de donner l’heure. Grâce au progrès de la métallurgie, grâce également à un savoir-faire en constante évolution, l’horloge passe à table, avant de devenir montre dès la fin du 15e siècle.
Et si ces pièces dites de « haute époque » affichent une imprécision notoire, rien de bien grave. C’est l’ornementation qui compte. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Qu’est-ce qu’une heure de retard si l’on se présente avec une montre qui fait tourner les têtes. Elle s’accroche ainsi à un collier, s’enchâsse dans une bague ou dans le pommeau d’une dague, voire se fixe à ce bracelet offert à Elisabeth Ière d’Angleterre.
Et vogue le navire
Du 17e au 18e siècle
La suite devait être nettement moins frivole. Les savants sont à l’œuvre dès le 17e siècle. Parmi eux, Galilée (héliocentrisme), Huygens (ressort spiral), Fatio (rubis) ou Bürgi (la seconde comme unité de temps), pour n’en citer que quelques-uns, vont donner un élan décisif à l’horlogerie grâce à leurs inventions fondamentales.
La fiabilité et la précision des instruments de mesure du temps font des pas de géants. La marine n’y est d’ailleurs pas pour rien. En cette époque du 18e siècle marqué par une intense rivalité entre puissances maritimes pour la maîtrise des voies commerciales, la longitude en mer, impossible à déterminer sans un chronomètre précis, était un problème qui avait déjà coûté la vie à de nombreux équipages. Un défi que les horlogers de France et d’Angleterre se sont ingénié à relever et à résoudre, non sans quelques rocambolesques histoires d’« espionnage industriel ». Mais si la précision est une chose, les complications en sont une autre qui vont également mobiliser les horlogers pour les siècles à venir.
Enfin ma montre !
Au 19e siècle
Après la mer, la terre, désormais sillonnée par l’invention dernier cri : la machine à vapeur. Destinée d’abord au transport, cette petite merveille de modernité allait imprimer une double impulsion dans les sociétés de cette fin du 19e siècle. Parfaitement adaptée aux outils de production, la machine à vapeur est à l’origine de la Révolution industrielle. Elle est également à l’origine de l’essor des chemins de fer qui vont changer radicalement les modes de vie et la perception locale du temps.
Dans ce contexte, l’heure est à la rationalisation. Et celle-ci se manifeste dans le monde de l’horlogerie par un intérêt de plus en plus marqué pour la fabrication en série. Montres, pendules, horloges deviennent des produits industriels, accessibles au plus grand nombre et de meilleure qualité grâce à l’interchangeabilité des composants. Suisses et américains rivalisent sur ce nouveau terrain commercial pendant que la multiplication des voyages conduit inexorablement à l’adoption d’une heure universelle à 24 fuseaux.
Dès lors, les montres sont perçues comme des instruments capables d’afficher mécaniquement tout ce qui est mesurable, conduisant à la réalisation de pièces à grande complication, véritable chefs-d’œuvre horlogers. Mais avec la Révolution industrielle, une autre révolution se prépare, celle qui va faire passer la montre de la poche au poignet.
De l’Everest à la fosse des Mariannes
Durant la première moitié du 20e siècle
Jusque-là, l’horlogerie ne pouvait se concevoir autrement qu’en montres de poche. Avec la pratique du sport qui débute, avec l’essor de la conduite automobile et des voyages, avec l’évolution des modes vestimentaires, la montre commence dès 1875 à faire de timides apparitions au poignet. Volontiers qualifiée de montre fantaisie, elle séduit d’abord les femmes. Mais la Première Guerre mondiale la rend très vite intéressante aux poilus, essentiellement pour des raisons pratiques. D’autant que la précision a fait des pas de géants, quasi équivalente à celle obtenu par les montres de poche. Dès lors, les modèles de poignet vont connaître la même évolution que leurs ancêtres de gousset : miniaturisation poussée, recherche de fonctionnalité et multiplication des fonctions, notamment pour répondre aux nouvelles contingences de la vie active. L’univers du sport, l’exploration sous-marine et la conquête des airs vont ainsi jouer un rôle de tout premier plan dans l’essor et le perfectionnement de la montre-bracelet durant la première moitié du 20e siècle. La montre se prépare à conquérir les cimes, à plonger dans les abysses et à relier les continents par voies aériennes.
Electronique « horlogicide »
Durant la deuxième moitié du 20e siècle
Dès les années 1950, la modernité en matière d’horlogerie tend à trouver de nouveaux moyens d’expression qui éloignent la montre de sa motorisation mécanique. Elle se tourne avers vers d’autres sources d’énergie, notamment électrique. En une vingtaine d’année, le « bon vieux » ressort spiral est ainsi remplacé par un diapason puis par un quartz, prélude à la montre électronique qui va déferler sur les marchés dès le début des années 1970.
Pour y avoir cru trop tard, malgré une parfaite maîtrise de la technologie du quartz, l’horlogerie suisse est laminée par la concurrence asiatique qui propose des montres « fun », ultraprécises, aux fonctions aussi variées que multiples et à un prix en ligne avec ces produits de masse. Dans le même temps, la mesure mécanique du temps atteint également ses limites, notamment dans le domaine de l’astronomie mais également dans le chronométrage sportif. Là également, l’électronique fait des miracles avant que les horloges atomiques ne viennent mettre tout le monde d’accord sur le fractionnement de la seconde, non plus mesurée mais désormais calculée. L’électronique allait-elle sonner le glas pour l’horlogerie suisse ? Rien n’est moins sûr. En assurant sa reconquête par le bas, sur le terrain même de la montre à quartz avec la Swatch, l’horlogerie helvétique a réussi le tour de force de redonner vie à la montre mécanique, devenu un produit de tradition et d’émotion.
Marchands de rêve
Au 21e siècle
Le renouveau de la montre mécanique a finalement été quasi aussi rapide que son déclin, donnant aux Maisons suisses une position quasi hégémonique sur l’horlogerie de luxe dès le début des années 2000. Des ventes aux enchères à l’édition de magazines spécialisés pour collectionneurs, de la vulgarisation des techniques horlogères au foisonnement d’Internet, toutes ces facteurs ont contribué à remettre la montre de tradition sur le devant de la scène. D’autant que les horlogers ont parfaitement su pimenter ces savoir-faire ancestraux à coup d’innovations et de percées technologiques. Sur les matériaux, les techniques d’usinage, l’architecture des mouvements et des composants, l’agencement des complication… Dès lors, l’horloger n’est plus seul à la barre. Les ingénieurs entrent par la grande porte dans les départements R&D des manufactures, en même temps que les designers dans les ateliers de création. La montre se veut désormais le fruit d’une démarche holistique, plus seulement réservé aux Maisons historiques. Les grands noms de la mode investissent cet univers qui se peuple également d’une « nouvelle vague » de créateurs indépendants, petits génies de la mécanique de précision qui proposent une autre approche de la mesure du temps à l’intention des collectionneurs. Mais si la montre devient technique, elle se doit d’être belle, synonyme d’un nouvel âge d’or des métiers d’art. Aujourd’hui, la belle horlogerie est partout, couvre la palette entière de garde-temps et propose plus que jamais des produits qui font rêver. A n’en pas douter, le joker horloger par excellence.
Pour découvrir plus en profondeur l’histoire de l’horlogerie, parcourez notre timeline interactive ici.