On la croyait morte et enterrée, elle n’a jamais été aussi vivace. Depuis que les horlogers ont abandonné les territoires extra-larges, la montre classique fête son grand retour sur le devant de la scène. Terminé le cantonnement aux seconds rôles, fini de jouer la figuration, les modèles dits « habillés » ont entamé une reconquête magistrale. La partie n’était pourtant pas gagnée d’avance. Il n’y a pas si longtemps, toute pièce qui n’arborait pas un confortable diamètre passait pour un garde-temps de seconde zone. De ceux qui, à l’heure du « tout numérique », n’osaient assumer de manière suffisamment péremptoire leur origine mécanique. Plus rien de tel aujourd’hui ! Après l’indigestion des pizzas au poignet, place aux assiettes taille hors-d’œuvre.
Le grand retour . Le grand retour . Le grand retour . Le grand retour . Le grand retour
de la montre habillée . de la montre habillée . de la montre habillée . de la montre habillée
Le grand retour de la montre habillée
de Christophe Roulet
Avec la réduction des tailles, la montre classique fait son grand retour. Mouvement trois aiguilles, cadran simple, impératif de précision : les modèles « habillés » occupent le devant de la scène.
Le triomphe des trois aiguilles
L’environnement macro-économique y est probablement pour quelque chose. Il y a une dizaine d’années, on parlait encore volontiers du village global pour des horlogers qui pouvaient raisonnablement se sentir à la maison à Shanghai comme à Vancouver, au Cap comme à Helsinki. Le ralentissement des échanges commerciaux suivi d’une pandémie mondiale couronnée par une inflation galopante ont eu raison du bel optimisme d’antan. D’autant que la soif de consommation, censée compenser les années de disette du Covid, est aujourd’hui étanchée. En d’autres termes, les perspectives pour les mois à venir n’incitent guère à une folle exubérance. En langage horloger, cela se traduit par un vent de tempérance que l’on remarque volontiers sur les cadrans de montre.
Tout a commencé, pourrait-on dire, par une réduction des tailles. En passant en dessous des 40mm de diamètre, les modèles ont entamé une cure d’amaigrissement qui n’a pas manqué de se reporter sur leur fonctionnalité, forcément revue à la baisse. Une montre qui donne l’heure et de la manière la plus précise possible n’accompagne-t-elle pas un retour aux fondamentaux de l’horlogerie ? Or cette tendance s’est trouvée confortée par la vague vintage qui a déferlé sur les gardiens du temps et leurs adeptes. Les montres datant d’avant la conception par ordinateur n’ont en effet jamais péché par excès de taille. Pas plus qu’elles ne versaient dans la surenchère de complications. De nos jours, la déferlante vintage a certes perdu de sa vigueur, mais ses règles de base n’ont pas disparu pour autant. Résultat : la montre trois aiguilles triomphe.
La « complexité dans la simplicité »
Et dans ce registre, toutes les Maisons s’y mettent. D’autant que ces modèles représentent généralement les pièces pouvant servir de tremplin vers la marque. Un créneau à ne pas négliger pour des indépendants comme Czapek, par exemple, qui, avec Promenade, inaugure une collection dont « la véritable complexité réside dans sa simplicité ». En d’autres termes, « une montre chic et contemporaine » dont on retrouve le style chez Frederique Constant (Classic Date Manufacture), IWC (Portugieser Automatic), Rolex (Perpetual 1908) ou TAG Heuer (Carrera Date) pour n’en citer que quelques-uns. Les horlogers prennent certes quelque liberté par rapport aux canons classiques de bon aloi en teintant leur cadran de couleur. Les règles fondamentales restent toutefois quasi inamovibles avec des boîtiers ronds – petite exception pour la Baignoire de Cartier –, des tailles qui gomment désormais la différence des genres et une esthétique sobre et élégante. Peu importe le matériau, or ou acier, seule compte cette impression de toucher à l’essence même de la nature du temps, comme cherche à le démontrer Grand Seiko (Evolution 9 Manual-winding Hi-beat 36000 80 Hours).
Dans ces conditions, pas question de « lésiner » sur le mouvement, comme le dit Chopard avec son modèle L.U.C XPS Forest Green, qui affirme les trois valeurs fondamentales que sont la performance technique, le raffinement esthétique et l’engagement pour une horlogerie certifiée avec la mention « Chronomètre » sur le cadran pour l’attester. Vacheron Constantin répond aux mêmes exigences avec sa montre Overseas Automatique, affichant également un cadran vert sous lequel on trouve le calibre manufacture 5100, qui bénéficie, comme l’ensemble de la montre de la certification Poinçon de Genève. Le calibre G-06, qui anime la 1969 DeltaWorks de Grönefeld se fond-il dans le même moule ? Si l’on mesure son attrait à la liste d’attente calculée en années pour l’acquérir, la réponse s’impose.